Fédération nationale des associations INITIATIV’Retraite

INITIATIV'Retraite AISNE

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Association des salariés retraités du monde agricole et rural de l’Aisne

Laon, capitale méconnue de la viticulture d’antan


Laon, perchée sur son éperon rocheux, est aujourd’hui surtout connue pour son riche patrimoine médiéval.
Mais peu de gens soupçonnent que cette ville fut autrefois une terre viticole florissante.
Pendant des siècles, le pays laonnois a produit des vins recherchés, exportés jusqu’en Flandre et en Angleterre.
Pourtant, cette glorieuse tradition viticole, qui contribua à la prospérité de la région, a peu à peu disparu, victime des aléas climatiques, économiques et sanitaires.
Plongeons nous, grâce à Monique PERRINE, Présidente de Laon accueille, dans l’histoire oubliée de Laon, capitale méconnue de la viticulture d’antan.
Merci Madame PERRINE !


Cervoise et hydromel : les premières boissons des ancêtres

Si nous revenons plus de vingt siècles en arrière, notre ville, qui n’en est sans doute pas encore une, se trouve au beau milieu de la Gaule chevelue.
D’un côté, la tribu des Rèmes, qui ont donné son nom à la ville de Reims, de l’autre, celle des Suessions qui ont laissé leur nom à la ville de Soissons.
Quand on ne se fait pas la guerre, on festoie, si l’on en croit les aventures d’Astérix et d’Obélix… et l’on boit la cervoise populaire – on a l’orge ou le blé - ou l’aristocratique hydromel – fermentation d’eau et de miel qui a séduit les religieux du Moyen-âge et est devenue la boisson des dieux...
52 avant J.C. marque la fin de l’indépendance de la Gaule.
Le Gaulois devient génération après génération Gallo-Romain.

Les Romains et la vigne : l’héritage gallo-romain

Ses habitudes changent, il adopte peu à peu les moeurs de ses envahisseurs. Et pour ce qui nous intéresse, il se fait viticulteur.
Acclimatation de la vigne venue de Rome, création de cépages capables de résister au froid, voilà le travail de nos ancêtres. Peu à peu la vigne se fait omniprésente en Gaule, produit de terroir. Comme la bière, le vin se démocratise.
Pline l’Ancien écrit à ce sujet : « la Gaule est une autre Italie ».
Pour résumer, les Romains apportent la vigne, les Gaulois inventent le tonneau.
Il faut quand même être un peuple de rêveurs pour avoir l’idée de mettre du liquide dans des bouts de bois assemblés…

Quand Laon fournissait le vin des contrées du Nord (Ve – VIIIe siècles)

On ne sait pas quand la vigne arriva jusqu’à Laon.
Par des documents anciens, on sait que du Ve au VIIIe siècle, le pays laonnois fournit le vin aux contrées septentrionales qui ne cultivent pas la vigne.
En 887, une donation énumère des vignes à Chamouille et à Vassogne.
Dès l’époque des Carolingiens – du milieu du VIIIe jusqu’au Xe siècle – de nombreuses abbayes de Flandre, des vallées de la Sambre, de la Meuse ou de la Seine possèdent leurs propres vignes dans le Laonnois. (Royaucourt, Vaucelles). Bonne chère et bon vin participent à leur renommée.
Laon est capitale de la France au Xe siècle. Le vin participe à l’enrichissement de notre cité car les échanges sont possibles grâce aux routes et au réseau fluvial de la région. Le vin est alors recherché pour sa saveur, son alcool et ses vertus médicinales. Il est également important pour le culte : les chrétiens communient jusqu’au XIIIe avec le pain et le vin.
Au Xe siècle, les bourgeois flamands qui pratiquent le négoce du drap, se fournissent en vin dans le Laonnois et l’exportent jusqu’en Angleterre.
Au XIIe, c’est l’apogée. Il y a de la vigne partout et elle procure des revenus au clergé, aux seigneurs et aux bourgeois par la vente ou par les taxes. L’abbaye St-Vincent possède des vignes et un pressoir. Elle prélève des droits de vinage sur certaines communes, des droits de passage à une écluse sur l’Ardon (c’est ce qu’écrit un historien, à mon grand étonnement) et des rentes en vin.
Au XIIe les 2/3 de la production sont exportés vers la Flandre.

La concurrence des vins du sud : un tournant au XIIIe siècle

Cependant, à la fin du XIIe, la concurrence des vins de la Rochelle et du Poitou se fait sentir. L’extension des voies maritimes permet le transport de vins moins chers. Déjà, à cette époque !... Certaines abbayes du Nord de la France, à Soissons, à Laon, vendent leurs vignes.
Au XIIIe la production est insuffisante face à la demande et les Flandres se tournent également vers la Champagne, la Bourgogne, l’Aquitaine.
La concurrence est, comme de tous temps, rude.
Jusqu’au XVIIIe siècle la culture de la vigne dépend principalement de l’évêché.
Les ¾ des vignes appartiennent à l’église. La vigne sert d’agrément, le vin est une marque de civilité et il permet de tenir son rang. Les hôtes de passage doivent être reçus avec honneur.
Une trace objective et architecturale se voit encore dans les jardins de l’hôpital, mais dans quel état ! Je veux dire le… Vide-bouteilles.
Je saute par-dessus les siècles, les assoiffés ne m’en voudront pas.
Dès avant 1850, la réputation du vin de Laon se ternit.
En 1856, le département de l’Aisne est classé en 60e position pour l’étendue et la qualité de son vignoble.
Je cite l’Étude des vignobles de France du Docteur Guyot. Il écrit en 1868 : « Le prix de la main-d’oeuvre et son peu de bon vouloir, réunis à l’inclémence du climat, firent disparaître tout profit. Les bourgeois furent alors obligés de vendre ou d’arracher. Les vignerons achetèrent et s’empressèrent de substituer des plants d’abondance aux plants fins »

Crises et phylloxera : la fin d’un âge d’or viticole (XVIIIe – XIXe siècles)

La décadence atteignit son paroxysme entre 1870 et 1890 avec l’arrivée du phylloxera.
Selon Maxime de Sars qui résida dans le grand vendangeoir d’Urcel - auteur des Vendangeoirs du Laonnois, 1934 -, l’arrondissement de Laon comptait 3 606 ha en 1824. En 1905, il n’en restait plus que 114.
La première guerre mondiale acheva sa disparition.
Le phylloxera fut une des causes de la disparition de la vigne dans le Laonnois. La chute de sa qualité, la concurrence des vins du sud de la France et le développement du Chemin de fer lui donna le coup de grâce…
La spéculation des banques – les banquiers encouragent la culture du blé moins sensible à priori que la vigne aux aléas climatiques - et des céréaliers finit le travail.
Pour résumer, voici l'équation du tout premier degré  
           Main-d’oeuvre moins chère dans le sud, voire en Algérie
          + Teneur en alcool plus forte dans les vins du Midi
          + Développement du train, des céréales et des betteraves dans l’Aisne
          = Fin de la vigne dans le Laonnois

La mémoire du vin dans le Laonnois :
un patrimoine à revisiter !

Là où il y avait de la vigne, il y a désormais du haricot, des asperges, des pommiers, du blé et de la betterave.
Qu’en penseraient les premiers Gaulois viticulteurs ?...
Quels souvenirs nous reste-t-il de cette glorieuse viticulture ?
De beaux vendangeoirs dans les villages du Laonnois, avec leurs caves et leurs celliers,
Quelques instruments viticoles ici ou là,
Des noms de lieux : Nouvion-le-Vineux, le Mont des Vignes à Athies et à Crépy, les hautes vignettes et les vieilles vignes à Festieux et Parfondru...
Des tentatives régulières de plantation de vigne à Laon, anecdotiques et passagères. (Au-dessus du conservatoire, rond-point de Carrefour)
Enfin, à Laon, la cuve Saint-Vincent, l’abbaye et le quartier du même nom nous rappellent celui du patron des vignerons.
Et maintenant, comme chante le poète bachique : Ami, ma gorge est sèche… Sers-moi du vin !

Texte reproduit avec l'aimable autorisation de Mme Monique PERRINE, Présidente de Laon Accueille